Près de 500 personnes se sont retrouvées à Bruxelles pour la Biennale du mouvement Convergence(s) pour l’Education Nouvelle. Y étaient représentées les 8 associations fondatrices et les 11 associations partenaires qui ont demandé à rejoindre le mouvement, dont l’AGSAS. Ce furent des journées très riches où chacun.e a pu participer à deux débats « enjeux pour nos sociétés » (parmi 20
propositions), chacun décliné sur deux séances, et à deux ateliers (parmi 64 propositions) dont la présentation de l’Atelier d’Interrogation Collective animé par Michèle Sillam et la présentation de l’Atelier Psycho-Lévine, animé par Véronique Boquin-Sarton. Nous aurions souhaité, l’une et l’autre un plus grand nombre de participants (9 pour l’AIC et 11 pour l’Atelier Psycho) mais nous avons eu affaire à des personnes très motivées, curieuses de découvrir les propositions de l’AGSAS et même désireuses de se former pour certaines.
Les deux conférences qui ont ponctué cette Biennale, celle de Bernard Charlot à l’ouverture et celles de Philippe Meirieu et Laurence De Cock en clôture ont été des moments particulièrement intenses avec des propos forts et engagés. Bernard Charlot affirme ainsi que l’Être humain n’est pas une idée, ni une essence ni même une nature mais qu’il est une aventure au cours de l’évolution, au cours de
la société et au cours de la vie de chacun. Pour lui, le problème fondamental actuel n’est pas de savoir écouter les jeunes mais de savoir aussi ce que nous avons à leur dire. L’école doit être un endroit où la jeunesse a envie et peut parler de l’avenir. La barbarie fait un retour en force dans nos sociétés actuelles. Et la barbarie est le contraire de l’éducation, pas l’ignorance qui est, elle, le contraire de la connaissance. Aujourd’hui, ajoute-t-il, le sujet a de moins en moins de repères pour se construire : jamais l’individu n’a été aussi libre et le sujet aussi abandonné. Il y a nécessité de réintroduire l’humain au centre de la pensée sur l’individu, sur l’individu social et sur l’espèce humaine. L’éducation nouvelle se doit d’être du côté du désir contre la norme. Nous devons réinventer, affirme-t-il, une utopie anthropo-pédagogique, réinventer un type d’humain que les jeunes ont envie de devenir. Il défend ainsi l’équation pédagogique fondamentale : activité intellectuelle – sens et plaisir.
Quant à Philippe Meirieu, c’est avec toute la force et la puissance de ses convictions qu’il a décliné 10 enjeux majeurs pour l’éducation nouvelle en lien avec les valeurs fondatrices de 1921 :
1) Apprendre et réapprendre à coopérer pour construire du commun et s’émanciper de tous les enfermements identitaires quels qu’ils soient. Ne jamais oublier les questions qui nous rassemblent parce que parfois les réponses divisent.
2) Conjuguer le droit à la différence et le droit à la ressemblance, sans confondre universalisme et occidentalisme.
3) Entendre ce que nous disent les sciences sans basculer dans le scientisme au service du communautarisme néolibéral.
4) Nous saisir et nous servir de la technique pour ne pas la laisser nous dominer. Le numérique peut nous tuer mais aussi nous guérir donc s’en saisir pour créer du lien.
5) Faire vivre les droits de l’enfant en assumant les « belles » contraintes, celles qui permettent l’émergence de la liberté.
6) Récuser les velléités de normalisation, développer l’intégration de la normativité par l’activité commune et mettre les normes en débat.
7) Ne pas déserter la formation à la parentalité, s’investir pour inventer avec eux des solutions communes. Repenser les questions sociétales et inventer massivement l’éducation populaire. Ne pas se contenter d’agir pour et à l’école même si ça reste un angle fort de nos combats.
8) Permettre à nos enfants de donner un avenir à leur futur.
9) Repenser les rapports entre nos expérimentations et les projets politiques.
10) Nécessité de retisser les liens entre le pédagogue et le politique, parcourir dans les deux sens la chaîne qui va de l’un à l’autre. Et il conclut avec cette affirmation qui ne peut qu’entrer en résonnance avec les valeurs qui nous animent et que nous défendons dans toutes nos actions et à travers tous nos dispositifs : « Parce que “le contraire de l’éducation, c’est la barbarie, le fait de ne
pas reconnaître l’autre comme pleinement humain ” (Bernard Charlot) … “ il n’y a qu’une éducation, elle est globale, s’adresse à tous et est de tous les instants. ” » (Gisèle de Failly, pédagogue, fondatrice des Centres d’Entraînement aux méthodes Actives, les CEMEA)
En toute fin, chaque association partenaire a été invitée à lire à haute voix la phrase, issue du manifeste distribué à chacun.e en débit de biennale, qu’elle trouvait la plus marquante. Celle que nous avons choisi, Michèle et moi est la seule à avoir été citée 2 fois : « L’enfant a besoin d’une attention particulière car, s’il est l’avenir de l’humanité, il est aussi un être fragile et précieux qui doit pouvoir devenir, grâce à l’éducation, un citoyen actif, critique et responsable ».