L'éducation toujours nouvelle
Manifeste écrit par les Ceméa lors des Rencontres de l'Education Nouvelle (REN) à Namur en 2019.
Le milieu c’est la nature, le matériel et l’humain. Pour l’Éducation nouvelle, l’ambition est de donner la possibilité à chacun.e, par l’activité, de le découvrir, de le connaître, de l’enrichir et de le transformer.
L'Individu
En Éducation nouvelle, tout individu a droit aux égards et au respect. La prise en compte de sa singularité dans le groupe est au cœur des pratiques éducatives de l’Éducation nouvelle. Au sein d’un collectif, chacun.e a la capacité de se construire et de comprendre le monde. Les démarches pédagogiques permettent alors à chacun.e de se transformer, à son rythme, afin d’être auteur.trice et acteur.trice d’un projet plus global de transformation.
L'Émerveillement
Pour l’Éducation nouvelle, les démarches pédagogiques s’appuient sur des rencontres qui valorisent l’expression de l’hétérogénéité et de la diversité. Cette prise en compte de chacun.e permet la confrontation à l’inconnu, des surprises et crée une effervescence qui soutient la curiosité, l’émerveillement, l’interaction, la recherche, et encourage la créativité. Cette dynamique autorise à penser d’autres possibles et à les traduire en actes. Ce processus d’intelligence collective permet de passer du rêve éveillé à la concrétisation d’utopies.
Le Cadre
En Éducation nouvelle, il n’y a pas d’éducation sans cadre. Il est adapté au public, à la temporalité et au lieu. Il suscite des envies, il rassure, il structure. Il est transformable par le groupe pour tenir compte de son vécu. L’action au sein du cadre et les transgressions des limites posées par celui-ci, servent à son appropriation. L’éducateur.trice en est à l’origine, il en est aussi responsable et acteur. trice. Il accompagne sa transformation. En Éducation nouvelle, le cadre est générateur de libertés.
Relation égalitaire
En Éducation nouvelle, toutes les situations se fondent sur une relation égalitaire. Accueillir l’autre, avec ses potentiels de développement, est un préalable. L’Éducation nouvelle prend en compte les différences. Elle propose des chemins individualisés. Elle organise les conditions du partage des savoirs, des apprentissages et de leurs appropriations.
le Milieu
En Éducation nouvelle, penser et agir en être libre résulte d’une appropriation des contraintes positives et structurantes. Celles-ci impulsent une possibilité d’agir, de créer, de dynamiser un espace, un collectif. Les contraintes qui émanent des milieux de vie sont définies par des lois, des règles négociables ou non. Elles contribuent à définir les conditions d’un cadre sécurisant et fécond.
La Culture
L’Éducation nouvelle reconnaît à chacun.e son pouvoir d’agir et de créer dans la construction de sa culture. L’Éducation nouvelle refuse une vision dominatrice d’une culture qui s’imposerait à l’autre. Elle n’est pas figée. Elle se re-questionne au gré des rencontres, des liens que l’on (qui se) noue(nt), des espaces dans lesquels on vit, des pratiques individuelles et collectives partagées... C’est en cela que la culture de chacun.e se traduit au quotidien dans tous les actes de sa vie.
La Parole
Pour l’Éducation nouvelle, la parole est essentielle parce qu’elle engage la personne dans sa globalité. Pour que cette parole existe, des cadres sécurisants doivent être institués. Ils favorisent, y compris dans les espaces informels, l’expression volontaire de chacun.e et une écoute sans jugement. Prendre la parole et écouter ne se décrètent pas, mais s’apprennent par une expérience accompagnée. Dans ces conditions, la parole permet de s’exprimer, de comprendre, de théoriser donc de s’approprier le réel et d’agir.
Le Groupe
Pour l’Éducation nouvelle le groupe est l’entité principale qui permet de construire le lien entre l’individu et le collectif. Cet ensemble hétérogène et restreint d’individus, est essentiel aux interactions et à la construction des savoirs, savoirs être et savoirs faire. En Éducation nouvelle l’attention est portée sur l’engagement du groupe à s’organiser, à être respectueux de la place de chacun.e et à se réguler. C’est à partir du ou des groupes que se créent du commun et du collectif.
Pour l’Éducation nouvelle, l’action s’inscrit dans le mouvement des contextes historiques, politiques, culturels et sociaux, indissociables des individus et des milieux. Chacun.e a la capacité de s’approprier, d’agir et de transformer le réel pour ne pas le subir. C’est par ce mouvement que l’Éducation nouvelle sera toujours nouvelle.
Retrouvez l'affiche et les cartes postales du Manifeste à télécharger ci-dessous.
La Coopération
Une production collective
Quelles sont les idées force auxquelles nous référons nos pratiques en Education nouvelle ? Comment les définir le plus simplement possible ? Deux questions auxquelles des militant.e.s des CEMEA d’ici et d’ailleurs ont commencé à répondre dans cette production collective.
Dès le début du XXème siècle, l’Education nouvelle se définit comme une éducation à la liberté pour qu’advienne une société plus juste et égalitaire, respectueuse des êtres humains et de leur environnement. Son ambition est politique, éthique, philosophique et pédagogique. Elle s’adresse à tou.te.s et à chacun.e. Elle s’appuie sur des groupes en action qui fédèrent des singularités et sur le désir de chaque être d’apprendre et de grandir tout au long de sa vie. Elle n’impose pas de savoirs artificiels, ni de transmissions culturellement connotées, et base son action sur la prise en compte des besoins de chacune et chacun, dans une dynamique continue d’expérimentation, d’action et de réflexion, sans hiérarchie des valeurs. C’est une éducation émancipatrice qui s’appuie sur l’intelligence du collectif. Elle encourage le regard critique et soutient les capacités d’intégration. Elle s’oppose de fait à toutes les formes de totalitarisme, d’aliénation, de manipulation et d’individualisme. C’est pour cela que l’Éducation nouvelle est subversive.
Donner sens à l’Education nouvelle, c’est mettre en œuvre des pratiques éducatives qui mobilisent l’ensemble des mots-clefs définis dans ce Manifeste qui forme un tout indissociable. C’est alors que chacun.e devient porteur, porteuse, au quotidien, d’une éducation créative, confiante, progressiste, optimiste, ambitieuse et exigeante.
Activité
Pour l’Éducation nouvelle, l’activité est authentique quand elle répond aux besoins et intérêts de toutes et tous. Elle mobilise simultanément corps et esprit. Elle engage l’action individuelle et collective. L’activité se vit. Elle permet d’intégrer les milieux de vie, de les aménager et de les transformer (c’est la transformation des milieux qui permet la prise en compte des besoins). L’activité inclut l’expérimentation, le tâtonnement, le droit à l’erreur et l’entraînement. C’est alors que l’activité prend sens et soutient chaque personne, dans la construction de sa propre compréhension du monde.
L'Émancipation
Pour l’Éducation nouvelle, l’émancipation est un cheminement qui a pour objectif de permettre à la personne de penser et d’agir en tant qu’être libre. L’émancipation concerne l’individu dans son projet de vie. Elle est indissociable d’une logique d’émancipation collective. Pour cela, il est nécessaire de construire et de garantir les conditions de cette émancipation, de proposer des espaces d’échanges, de réflexion et d’action dans un cadre sécurisant. Ce cadre participe à la découverte de soi et du monde en permettant de mieux le comprendre pour agir.
Place de l'éducateur·trice
En Éducation nouvelle, l’éducateur.trice impliqué.e dans un travail d’équipe, organise des espaces de rencontres. Ils permettent la transformation tant de l’individu que du collectif. Personne ressource, l’éducateur.trice facilite en permanence la participation active de chacun.e à l’objet de la rencontre. L’articulation entre le « faire » et le « penser » fonde les modalités de son accompagnement. Les conditions matérielles d’aménagements, d’espaces et de temps, les conditions humaines de bien- être, de confiance et de plaisir participent pleinement à la démarche. En Éducation nouvelle, l’éducateur.trice s’inscrit dans une démarche résolue d’expérimentation permanente.
En Éducation nouvelle, agir ensemble se réalise grâce à la vie collective. Les relations entre les personnes et l’apprentissage favorisent la contribution de chacun.e. Coopérer permet la complémentarité, l’entraide et la solidarité dans l’intérêt de l’individu et du groupe.
Innovation, Expérimentation
Pour l’Éducation nouvelle, l’expérimentation est permanente. Elle s’effectue dans des cadres pédagogiques construits : des stages, des animations, des recherches actions et des accom- pagnements. Ces mises en œuvre pédagogiques sont au service de l’ambition d’émancipation et de transformation sociale de l’Éducation nouvelle. L’expérimentation se réalise à travers plusieurs dimensions : l’activité, l’expression, la vie collective, l’organisation matérielle et l’auto-évaluation. Elle est nourrie par les travaux de recherche, les découvertes, les évolutions et controverses.
La Confiance
En Éducation nouvelle, la confiance est un postulat sur lequel se construisent les actions. C’est affirmer que l’être humain et le groupe ont des capacités de penser, de s’émerveiller, d’apprendre et d’agir. Le cadre permet l’expression et l’exercice de ces capacités. Il est soutenu par l’éducateur.trice et par le groupe. Ces conditions sont indispensables à la réussite d’une pédagogie de l’expérimentation, du tâtonnement, du droit à l’erreur et de l’entraînement.
Responsabilité/Autorité
Pour l’Éducation nouvelle, l’autorité exclut toute référence à une aurorité qui serait « naturelle », « innée », ou « immanent ». Dans une société qui confond pouvoir et autorité, l’Éducation nouvelle crée les conditions d’où émergent rôles, statuts et fonctions. Ils déterminent des responsabilités et donc, des autorités. Prendre et exercer une responsabilité, c’est l’expérimenter, la traduire en actes et l’assumer dans un cadre sécurisant.